Tu es poussière
Mon ami (mari, épouse, mère, père...) , es-tu sûr que la simplicité et la modestie empreignent les actes dont tu me demandes d'être dépositaire et exécuteur (trice) testamentaire?
Comme sont simplement extravagants les voeux de certains de nos prédécesseurs pour leurs obsèques!
"MOI je ne veux pas qu'il y ait un "corps" autour duquel on se rassemble, je fais le don de mon corps à la Faculté, vous n'aurez pas de frais d'obsèques."
Sauf que la personne en question n'a pas informé la Faculté, n'a rien écrit à ce sujet, n'a pas prévu d'assurance obsèques, n'a pas réservé de budget à son enterrement, ne possède pas de caveau ou de lieu réservé à son repos éternel et que le jour de sa mort, vous avez à tout organiser bien vite et à cher payer sur vos deniers si, en bonne cigale, elle a tout croqué sans amasser. La Faculté prenant gratuitement votre corps, c'est un mythe!
"MOI je veux faire simple, répandez mes cendres dans la nature, un fleuve ou un jardin, n'invitez personne à mon enterrement, ceux que j'aimais, je les veux voir de mon vivant s'ils se soucient encore de moi, lorsque je serai mort, ça n'a aucun sens, et puis que personne ne pleure! Je ne veux pas qu'on se recueille une fois l'an sur un coffre de bois alors que mon corps aura été dévoré par les asticots, et surtout pas de chrysanthèmes, quelle horreur!"
Sauf que la personne est connue, que ses admirateurs et amis veulent l'honorer et portent des chrysanthèmes sans demander si permission est donnée, que les autorisations pour obéir à ses caprices de star simple sont loin d'être faciles à mettre en oeuvre, que le corps réside dans un cercueil avant que d'être incinéré, que tout cela a un coût, même supérieur à un enterrement classique, que les personnes désignées pour répandre des cendres ici ou là peuvent avoir des empêchements importants et que cette dispersion peut s'avérer impossible et très retardée, tellement que la législation changeant, on ne puisse alors exécuter le plan prévu et qu'on se trouve à devoir inhumer les cendres dans un columbarium, un caveau ou les répandre si c'est encore possible sur les pierres blanches d'un jardin du souvenir, et qu'elles ne rejoignent véritablement pas la terre à proprement parler.
Voilà, vous héritez d'une bâtisse ancienne, vous ou plusieurs avec vous, et vous venez inventorier les trésors qu'elle possède en ses coffres et amoires. Il y a peut-être des cachettes secrêtes, mais vous n'allez pas tout démolir et creuser pour finalement ne rien trouver!
Au cours de vos visites et investigations, vous tombez sur un beau vase chinois, scélé par un bouchon. C'est lourd et plein de quoi? De cendres?
Avez-vous un indice? Un papier qui donne par exemple la date de remise d'une urne funéraire (avant 2008 sinon ce serait illégal!) par exemple, avec un nom mentionné sur le papier ou une étiquette, même décollée, mais tombée à proximité du pot sur lequel elle a laissé une empreinte autrefois gluante mais desséchée à présent.
Ce qui est intrigant, c'est que le nom mentionné est celui d'une personne déjà ensevelie en un mausolée bien précis. Qu'y (qui) a-t-il donc dans cette urne? Une partie de ses cendres? Pour quelle raison? Les restes de son pauvre chien Myrza ou de son regretté chat Mistigri? Les reliefs d'un acte inavouable?
Vous êtes très perplexe, que faudra-t-il faire de cette découverte? Personne n'ose statuer, certains sont effrayés. Les années passent. Chaque été vous ramène en ces lieux, le vase est toujours présent, témoin muet et aveugle mais accusateur: "Je n'ai pas le droit de demeurer dans ce lieu, ma volonté est différente, quand allez-vous y obéir et faire ce qu'il faut?"
Ce qu'il faut? Voyons, qui se rappelle de ce que l'aïeule Ursule disait à propos de sa mort?
Mais vous n'avez plus le droit de rien faire, ni fleuve, ni jardin public n'accueilleront des cendres, et même, les cendres ayant été inhumées en un lieu précis et connu de tous, vous ne pouvez obtenir d'autorisation pour que leur reste rejoignent l'océan ou même l'humble jardin du souvenir local!
Cette urne et son contenu ont-ils existence au regard de la loi? Ils peuvent parfaitement rester dans la maison, le décès étant antérieur à 2008, mais tous s'en offusquent, certains s'en défient par superstition. Que faut-il donc faire maintenant?
Tout le monde peste contre les extravagances bien connues de l'aïeule. "Ah, elle nous aura bien eus!"
Mais dans le soucis d'un respect des sentiments religieux et des termes de la législation, personne n'ose décider ou se risquer à un acte illégal ou profanateur, et le temps passe.
La personne survivante qui un jour se trouve subitement unique héritière du lieu et de ses contenus n'est ni la plus peureuse, ni la plus légaliste, mais elle prétend en finir avec cette situation dérangeante. Si elle possédait actuellement le moindre bout de jardin, elle eut tôt fait d'enterrer l'urne au pied d'un rosier, mais elle n'a pas de terres à elle, pas la moindre!
Non elle n'en dort pas mal chaque nuit, mais elle se sentirait plus libre et légère si décence était retrouvée, à défaut de raison ou déraison.
Un jour au petit matin, c'est l'illumination! Demander conseil à la personne qui autrefois, avait inhumé sa parente. Pour son bonheur, la personne exerce encore et elle se souvient, le papier jauni découvert aidant sa mémoire. Oui, cette défunte, une "originale" avait exprimé le désir que son corps fut donné à la science ou à défaut incinéré et que ses cendres servent pour une partie à fertiliser des plantes dans son pays d'origine et pour autre partie, retournent à la mer puisque son père était marin et ses ancêtres pirates. Mais la famille et les amis avaient souhaité lui donner une sépulture pour que le recueillement autour de sa dépouille soit possible à ceux qui donnent de l'importance au respect de la personne. Tandis que son exécutrice testamentaire tenait à ce que ses volontés soient également respectées. C'est donc pour accéder aux demandes de la défunte comme de la famille, avec l'accord des autorités de l'époque, qu'une petite partie des cendres avait été réservée pour que les gestes de dispersion demandés soient symboliquement exécutés.
Et ces gestes furent, en leur temps, accomplis en effet, mais il n'en demeurait pas moins ce petit reste dans l'urne. Le plus décent, en conformité avec la loi actuelle, était de procéder à un regroupement des cendres en un lieu unique, celui du caveau actuel.
Si bien que l'actuelle héritière se retrouve, un petit matin, à l'antre d'un mausolée ouvert, en la seule compagnie du professionnel qui l'a reçue et conseillée, à procéder à l'inhumation de la seconde urne de sa défunte parente. Auparavant, elle avait rédigé un court moment de prière pour ce cas exceptionnel, se demandant s'il pourrait être utile à quiconque autre un jour sur cette terre.
Aujourd'hui, Ursule, puisqu'a été accompli ce qui était ta volonté, que soit dispersée une partie symbolique de tes cendres pour qu'elles retournent à l'eau et à la terre, je viens, au nom de M### ton fils aîné, remettre en ce lieu familial de souvenir et de respect, le reste de tes cendres afin qu'elles soient réunies à celles déposées précédemment en 19##.
Tes cendres rassemblées ici nous rappelleront que ton corps est poussière et qu'il est retourné à la poussière, à la terre nourricière, en attente de la Résurrection. Désormais tu habites nos mémoires et nos coeurs.
C'est ici même que l'on pourra se rassembler et se reccueillir pour nous souvenir, afin de continuer avec toi, ces années où nous avions marché ensemble.
Et maintenant, tournons nos coeurs de chrétiens vers le Seigneur en qui nous mettons notre espérance.
Rappelons-nous les paroles de Jésus à la sœur de son ami Lazare qui venait de mourir :
« Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra. »
Seigneur Jésus, Tu as connu la mort par amour pour nous
et tu as triomphé pour que nous ayons la vie,
assure toi-même nos cœurs dans l’espérance,
nous t’en prions.
Accorde à Ursule, Seigneur, l’éternel repos;
Et que brille à ses yeux la lumière sans déclin.
Dans l’espérance de la résurrection,
Ursule,
repose dans la paix.
Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Notes administratives sur les cendres issues de crémation de corps (législation française):
Il est strictement illégal de conserver chez vous les cendres d’un défunt. Pour pallier ce point, les cimetières ont l’obligation d’ici à 2013 d’être équipés de columbariums (ou colombariums). Il s’agit de cases permettant d’entreposer une urne cinéraire et d’apposer une plaque commémorative sur le modèle des gravures des monuments funéraires. Il vous est également possible de sceller une urne sur un monument funéraire classique ou encore d’inhumer une urne soit sous un monument funéraire classique soit sous une sépulture spécifique appelée monument cinéraire.
Vous avez la possibilité de laisser l’urne du défunt au crématorium pendant une période d’un an si vous souhaitez pouvoir réfléchir à la destination des cendres.
Il est autorisé de disperser des cendres là où vous le souhaitez sur l’espace public à l’exception des voies publiques ou dans la rivière à côté de chez vous, assimilée à une voie publique. Vous pourrez donc choisir à votre convenance de disperser les cendres recueillies au crématorium dans l’océan, en pleine mer, en forêt…
Il est en revanche illégal de le faire dans un lieu privé : votre jardin par exemple. A cet effet, des lieux appelés jardin du souvenir ont été créés. Les jardins du souvenir sont en général situés à proximité des crématoriums ou dans les cimetières. Rappelons que l’église catholique refuse la dispersion des cendres.
Seules les personnes ayant été crématisées avant le 19 décembre 2008 et, dont les cendres ont été récupérées par la famille, peuvent être conservées à domicile.
La loi prévoit la possibilité pour les intéressés de les enterrer dans un jardin privé. En revanche, la dispersion dans un jardin privé est interdite.
En savoir plus : https://www.generali.fr/dossier/cremation/
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