C'est inéluctable
nous n'avons plus le temps, c'est la vie qui se bouscule, les défis à relever, les maladies à soigner, les personnes dont nous devons nous occuper, les repas à préparer, les associations qui réclament nos services, notre présence, et les jours qui font inéxorablement 24h, comme les week-end 48h. Ni une de moins, ni une de plus.
Je suis très occupé, et mon épouse encore davantage s'il se peut penser, et nos corps "mûrs" n'ont plus la vitesse et la souplesse des tiges vertes qu'ils furent antan.
Je me taierai sur ce que je sais vraiment, il faut savoir rester gentelman!
Si elle ne pesait son bon poids habituel, je dirais que mon épouse n'est plus que l'ombre d'elle-même, prennons-le donc au sens figuré
Elle a atteint son summum (ou presque) intellectuellement ou elle l'a dépassé (!), elle a retrouvé presque tous ses souvenirs et ses connaissances utiles, ce qui nous est de plus en plus nécessaire, car moi aussi j'ai des périodes de grande fatigue et de passage à vide, depuis plusieurs mois et c'est elle qui est le "chef" bien plus que moi, ce qui lui donne un énorme fil à retordre.
Je tente de reprendre pied à coup de stages et de traitements, mais la voilà épuisée (ce qui est bien normal car sa santé est encore plus problématique que la mienne, mais les femmes ça sait tenir jusqu'à l'extrême, chacun tire sur sa corde!). Alors que je commence à peine à ressurgir de l'état d'hébétude où nous avait placés des séries de deuils, de démarches, de problèmes de santé personnels, elle, en contrepartie, lasse de nous avoir tous soutenus, s'effondre ou plutôt s'effrite.
Elle est minée par le fait que sur le web actuellement et depuis 2008, tous les lieux où nous avons chargé soit des articles, soit des photos (des dizaines de milliers!), des albums et des vidéos (par centaines), se "dérobent" avec ou sans préavis, de toute manière très courts, ne lui laissant que le temps (la nuit où elle devrait dormir) de tout recharger si possible dans nos archives. Ce pour quoi je ne lui suis d'aucune aide ou secours, c'est elle le webmaster, et c'est ma faute! c'est moi qui en 2005 lui ai demandé de se documenter sur la tenue de sites ou de blogs pour que JE puisse y exposer mes documents et travaux sur les trains!
Je lui ai demandé d'être ma "petite main", comme ces grands couturiers dont le nom s'étale partout sont servis par d'innombrables "petites mains" qui font tout le boulot, à la demande, et aussi longtemps qu'il est nécessaire pour que les collections sortent à temps! un travail anonyme de titans.
Elle l'a fait par fidélité, par amour, avec enthousiasme, ce que je ne lui ai jamais disputé de faire, et comme je travaillais à l'époque, elle a tenu les sites, puisqu'elle restait à la maison. Normal, femme malade et "diminuée" au foyer.
Elle a rendu service dans bien des cas à des assos, bénévolement toujours, pour tenir leurs sites à jour, parallèlement, le web lui était utile pour reconstituer ses mémoires, réapprendre, échanger, converser, retrouver le sens de la communication et du discernement.
Mais des épreuves nouvelles se sont ajoutées, des problèmes de santé de plus en plus cruciaux, des déceptions profondes, des lachages, et surtout les lachages des hébergeurs, un mercantilisme déplorable.
L'époque de la liberté créatrice s'est effacée, celle des épreuves physiques est revenue, avec les gros problèmes de santé de ses parents, avec l'évolution de ses propres maladies, avec celle de mes handicaps.
Il y a eu l'an passé une belle embélie avec les MOOCs, mais à présent ses yeux sont très fatigués, et elle a de telles douleurs au dos, à l'épaule, au poignet qu'elle a de très grandes difficultés et souffrances à "faire de l'informatique", et ce n'est pas elle qui se plaindra, à personne, elle est "comme ça"!
D'autre part tu sais que nos matériels sont épuisés (comme nous) et les connexions encore trop peu stables et insuffisantes pour ouvrir les lourdes pages des systèmes nouveaux sans cesse plus gourmands en énergie ou en flux, que sais-je, je ne suis pas du tout spécialiste en informatique!
Ce que je sais c'est qu'elle ne peut plus taper sur un clavier sans souffrir énormément, qu'elle est en proie à de grands maux de tête et d'yeux, mais que je ne peux pas l'aider, que nos enfants sont bien trop occupés pour continuer à s'investir dans l'aventure, ils ont leurs propre vie à vivre et organiser. Que sa mère, pionnière elle aussi de l'informatique en son temps, ne peut plus la seconder, je sais qu'elle voudrait passer ses moments avec nous, profiter du soleil lorsqu'il y en a, et qu'elle se plait à cuisiner, et que tant que ça durera, nous serons heureux de l'avoir avec nous, c'est notre "petit lutin", elle ne doit pas (plus) se sacrifier pour nous, pour d'autres, le temps presse, la course contre la montre est entamée...
Je dois aller à présent manger avec elle, peut-être reviendrai-je
ou pas
mais peu car je veux vivre à ses côtés
L'époux de la belle "MOI"
PS: je voudrais passer tous mes instants avec elle, et elle, je le sais, voudrait passer tous ses instants avec moi, bien que proches, nous sommes séparés par tant de choses importantes ou futiles, qui nous empêchent de nous retrouver
j'ai failli la perdre plusieurs fois
je ne veux pas la perdre vite pour de bon!
elle a donné, toujours donné, beaucoup donné, avec le sourire (ou dans la colère et la révolte)
je voudrais qu'elle puisse se reposer sur mon bras, dans mes bras, contre mon coeur, je voudrais entendre battre son coeur, et la bercer comme un, non pas comme un enfant ou un nourrisson, c'est stupide, comme une égale, la chair de ma chair.
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